"- ... Dès que vous avez commencé, répétait-il, il n'y a aucune raison pour que vous vous arrêtiez. Il n'y a qu'un pas entre la réalité qui est photographiée en ce qu'elle nous apparaît belle et la réalité qui nous apparaît belle en ce qu'elle a été photographiée. Si vous photographiez Pierluca en train de bâtir son château de sable, il n'y a aucune raison de ne pas le photographier quand il pleure parce que le château s'est écroulé, et ensuite pendant que la nurse le console en lui faisant chercher un coquillage dans le sable. Il suffit que l'on commence à dire de quelque-chose: "Que c'est beau, il faudrait vraiment le photographier!", et on est aussitôt sur le terrain de ceux qui pensent que tout ce qui n'est pas photographié est perdu, que c'est comme si ça n'avait jamais existé, et que donc, pour vivre vraiment, il faut photographier le plus possible, et que, pour photographier le plus possible, il faut : soit vivre de la façon la plus photographiable possible, soit considérer photographiable chaque moment de son existence. La première voie conduit à la stupidité, la seconde à la folie."
Extrait de "L'aventure d'un photographe" d'Italo Calvino
Cette nouvelle m'a frappé. La stupidité et la folie photographique me semblent avoir prit une tournure franchement plus radicale dans les dernières années, s'accroissant non seulement de façon exponentielle grâce à la multiplication des appareils numériques bon marché, mais créant aussi une nouvelle pathologie très répandue grâce à la facilité de publication des clichés sur Internet. Quelle pathologie? La création de son propre double, d'un surmoi photographique plus beau, plus cool et tellement plus comique que notre pauvre moi de chair et d'os. Il y a une gradation des symptômes: on sélectionne d'abord nos plus belles photos, on se pratique à poser de façon à cacher nos défauts, à avoir l'air cool en toutes circonstances,ensuite on les trafique à l'aide de logiciels spécialisés et finalement on en vient à choisir nos activités en fonction de leur potentiel photographique. Mais ça ne s'arrête pas là, une fois que l'on a créé ce double, qu'il possède sa vie propre sur le Net, il faut s'arranger pour être à sa hauteur dans la vraie vie! C'est le dernier stage de cette folie et sûrement le plus dangereux.
Extrait de "L'aventure d'un photographe" d'Italo Calvino
Cette nouvelle m'a frappé. La stupidité et la folie photographique me semblent avoir prit une tournure franchement plus radicale dans les dernières années, s'accroissant non seulement de façon exponentielle grâce à la multiplication des appareils numériques bon marché, mais créant aussi une nouvelle pathologie très répandue grâce à la facilité de publication des clichés sur Internet. Quelle pathologie? La création de son propre double, d'un surmoi photographique plus beau, plus cool et tellement plus comique que notre pauvre moi de chair et d'os. Il y a une gradation des symptômes: on sélectionne d'abord nos plus belles photos, on se pratique à poser de façon à cacher nos défauts, à avoir l'air cool en toutes circonstances,ensuite on les trafique à l'aide de logiciels spécialisés et finalement on en vient à choisir nos activités en fonction de leur potentiel photographique. Mais ça ne s'arrête pas là, une fois que l'on a créé ce double, qu'il possède sa vie propre sur le Net, il faut s'arranger pour être à sa hauteur dans la vraie vie! C'est le dernier stage de cette folie et sûrement le plus dangereux.
3 commentaires:
ben, c'est pas mal vrai ce que tu dis... en appui, mon amie et moi, on était en train de faire des folies dans le Vieux-Québec et elle s'exclama: « Oh, que ça paraitra bien sur Facebook, ces fotos là!».
Haha! C'est un chemin glissant! :P
tsay que j'aime de plus en plus c blog.
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